domingo, 28 de febrero de 2021

Michel Houellebecq (Francia, 1956)

 

 



SO LONG

Hay siempre una ciudad, con huellas de poetas
Que entre sus muros han cruzado sus destinos
Agua por todos lados, la memoria murmura
Nombres de gente, nombres de ciudades, olvidos.

Y siempre recomienza la misma vieja historia,
Horizontes deshechos y salas de masaje
Soledad asumida, vecindad respetuosa,
Hay allí, sin embargo, gente que existe y baila.

Son gente de otra especie, personas de otra raza,
Bailamos exaltados una danza cruel
Y, con pocos amigos, poseemos el cielo,
Y la solicitud sin fin de los espacios;

El tiempo, el viejo tiempo, que urde su venganza,
El incierto rumor de la vida que pasa
El silbido del viento, el goteo del agua
Y el cuarto amarillento en que la muerte avanza.
 
 
 
SO LONG

Il y a toujours une ville, des traces de poètes
Qui ont croisé leur destinée entre ses murs
L'eau coule un peu partout, la mémoire murmure
Des noms de ville, des noms de gens, trous dans la tête.

Et c'est toujours la même histoire qui recommence,
Horizons effondrés et salons de massages
Solitude assumée, respect du voisinage,
Il y a pourtant des gens qui existent et qui dansent.

Ce sont des gens d'une autre espèce, d'une autre race,
Nous dansons tout vivants une danse cruelle
Nous avons peu d'amis mais nous avons le ciel,
Et l'infinie sollicitude des espaces;

Le temps, le temps très vieux qui prépare sa vengeance,
L'incertain bruissement de la vie qui s'écoule
Les sifflements du vent, les gouttes d'eau qui roulent
Et la chambre jaunie où notre mort s'avance.
 

(Le sens du combat, IV)

 

EL AMOR, EL AMOR

En una sala porno, jubilados jadeantes
Contemplaban, escépticos,
Los brincos mal filmados de parejas lascivas;
Sin ningún argumento.

He aquí, yo me decía, el rostro del amor,
El auténtico rostro.
Seductores, algunos; esos siempre seducen,
Los otros sobrenadan.

El destino no existe ni la fidelidad,
Mera atracción de cuerpos.
Sin apego ninguno, sin ninguna piedad,
Juegan y se desgarran.

Seductores algunos, por ende, codiciados,
Llegarán al orgasmo.
Hartos ya, tantos otros, no tienen ni siquiera
Deseos que ocultar;

Sólo una soledad que acentúa el impúdico
Goce de las mujeres;
Tan sólo una certeza: "Eso no es para mí",
Pequeño drama obscuro.

Morirán es seguro algo desencantados,
Sin ilusiones líricas;
Practicarán a fondo el arte de despreciarse,
De modo bien mecánico.

A quienes nunca fueron amados me dirijo,
A quienes no gustaron;
A los ausentes todos del sexo liberado,
Del placer ordinario;

No temáis nada, amigos, mínima es vuestra pérdida:
No existe, no, el amor.
Es sólo un juego cruel cuyas víctimas sois;
Juego de especialistas.

(La poursuite du bonheur.)

 

 
 
 
 
 
 


L’AMOUR, L’AMOUR

Dans un ciné porno, des retraités poussifs
Contemplaient, sans y croire,
Les ébats mal filmés de deux couples lascifs ;
Il n'y avait pas d'histoire.

Et voilà, me disais-je, le visage de l'amour,
L'authentique visage.
Certains sont séduisants ; ils séduisent toujours,
Et les autres surnagent.

Il n'y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s'attirent.
Sans nul attachement et surtout sans pitié,
On joue et on déchire.

Certains sont séduisants et partant très aimés ;
Ils connaîtront l'orgasme.
Mais tant d'autres sont las et n'ont rien à cacher,
Même plus de fantasmes ;

Juste une solitude aggravée par la joie
Impudique des femmes ;
Juste une certitude : "Cela n'est pas pour moi",
Un obscur petit drame.

Ils mourront c'est certain un peu désabusés,
Sans illusions lyriques ;
Ils pratiqueront à fond l'art de se mépriser ;
Ce sera mécanique.

Je m'adresse à tous ceux qu'on n'a jamais aimés,
Qui n'ont jamais su plaire ;
Je m'adresse aux absents du sexe libéré,
Du plaisir ordinaire.

Ne craignez rien, amis, votre perte est minime :
Nul part l'amour n'existe.
C'est juste un jeu cruel dont vous êtes les victimes ;
Un jeu de spécialistes.
 
 
 
 
ES CIERTO

Es cierto que este mundo en que nos falta el aire
Sólo inspira en nosotros un asco manifiesto,
Un deseo de huir sin esperar ya nada,
Y no leemos más los títulos del diario.

Queremos regresar a la antigua morada
Donde el ala de un ángel cubría a nuestros padres,
Queremos recobrar esa moral extraña
Que hasta el postrer instante santifica la vida.

Queremos algo como una fidelidad,
Como una imbricación de dulces dependencias,
Algo que sobrepase la vida y la contenga;
No podemos vivir ya sin la eternidad.


IL EST VRAI

Il est vrai que ce monde où nous respirons mal
N'inspire plus en nous qu'un dégoût manifeste,
Une envie de s'enfuir sans demander son reste,
Et nous ne lisons plus les titres du journal.

Nous voulons retourner dans l'ancienne demeure
Où nos pères ont vécu sous l'aile d'un archange,
Nous voulons retrouver cette morale étrange
Qui sanctifiait la vie jusqu'à la dernière heure.

Nous voulons quelque chose comme une fidélité,
Comme un enlacement de douces dépendances,
Quelque chose qui dépasse et contienne l'existence ;
Nous ne pouvons plus vivre loin de l'éternité.
 
 
 

NO ES ESO...

No es eso. Trato de conservar mi cuerpo en buen estado. Quizás esté muerto, no lo sé. Hay algo que habría que hacer y que no hago. No me lo han enseñado. Este año he envejecido mucho. He fumado ocho mil cigarrillos. Me ha dolido, a menudo, la cabeza. No obstante debe haber una manera de vivir; algo que no se encuentra en los libros. Hay seres humanos, hay personajes; pero de un año al otro apenas si reconozco las caras.

No respeto al hombre; sin embargo, lo envidio.




 



CE N’EST PAS CELA...


Ce n'est pas cela. J'essaie de conserver mon corps en bon état. Je suis peut-être mort, je ne sais pas. Il y a quelque chose qu'il faudrait faire, que je ne fais pas. On ne m'a pas appris. Cette année, j'ai beaucoup vieilli. J'ai fumé huit mille cigarettes. Souvent j'ai eu mal à la tête. Il doit pourtant y avoir une façon de vivre ; quelque chose que je ne trouve pas dans les livres. Il y a des êtres humains, il y a des personnages ; mais d'une année sur l'autre c'est à peine si je reconnais leurs visages.

Je ne respecte pas l'homme ; cependant, je l'envie.

(Renaissance)





Traducción, aprobada por el autor, de
Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán,
Eldígoras, 2002.

 

(Fuente: Literatura francesa traducciones. blog)



 

No hay comentarios:

Publicar un comentario