martes, 2 de julio de 2024

Jacques Prévert (Neuilly-sur-Seine, Francia, 1900-Omonville-la-Petite, Francia, 1977)

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BÁRBARA

 

Acuérdate Bárbara
Llovía sin cesar en Brest aquel día
Y tú caminabas sonriente
Feliz encantada empapada
Bajo la lluvia
Acuérdate Bárbara
Llovía sin cesar en Brest
Y me crucé contigo en la Rue de Siam
Sonreías
Y yo también sonreía
Acuérdate Bárbara
Tú a quien yo no conocía
Tú que no me conocías
Acuérdate
Acuérdate sin embargo de aquel día
No lo olvides
Un hombre que se cobijaba en un portal
Gritó tu nombre
Bárbara
Y tú corriste a su encuentro bajo la lluvia
Empapada feliz encantada
Y te echaste en sus brazos
Acuérdate de Bárbara
Y no te ofendas si te tuteo
Yo tuteo a todos los que amo
Aunque sólo los haya visto una vez
Yo tuteo a todos los que se aman
Aunque no los conozca
Acuérdate Bárbara
No olvides
Esa lluvia mansa y feliz
Sobre tu rostro feliz
Sobre esa ciudad feliz
Esa lluvia sobre el mar
Sobre el arsenal
Sobre el banco de Ouessant
Oh Bárbara
Qué estupidez la guerra
Qué será de ti ahora
Bajo esta lluvia de hierro
De fuego de acero de sangre
Y aquel que te abrazaba
Amorosamente
Acaso haya muerto desaparecido o viva todavía
Oh Bárbara
Llueve sin cesar en Brest
Como llovía antes
Pero no es igual y todo está estropeado
Es lluvia enlutada terrible y desconsolada
Ni siquiera es ya la tormenta
De acero de hierro de sangre
Sino sencillamente nubes
Que revientan como perros
Perros que desaparecen
En hilos de agua sobre Brest
Y van a pudrirse lejos
Lejos muy lejos de Brest
Y de Brest no queda nada.
 
 
____________________________
en "Palabras", Lumen, Barcelona, 2001. Trad. de Federico Gorbea. En la imagen, Jacques Prévert (Neuilly-sur-Seine, Francia, 1900-Omonville-la-Petite, Francia, 1977 / Reporters Associes)
 
 

BARBARA

 

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Epanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisé rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
 
 
(Fuente: Jonio González)

 

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